La réforme de la formation professionnelle vue de ma fenêtre
Depuis le 1er janvier 2015, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle est entrée en vigueur. Elle bouleverse de manière significative le paysage de la formation, tant sur le plan du financement, que des droits et du fonctionnement.
Son ambition : instaurer un droit à la formation et à l’évolution professionnelle pour tous les salariés, en accentuant notamment l’autonomie de ces derniers dans leur parcours.
Quels sont les éléments majeurs à retenir ?
Au revoir le DIF, bienvenue CPF !
Jusqu’alors, un salarié en poste à temps plein acquérait 20 heures de Droit Individuel à la Formation (DIF) par an, avec un plafond maximal de 120 heures accumulées. Trop peu utilisé (souvent par manque d’informations des employeurs, mais aussi par manque de souplesse des organismes financeurs), il est désormais remplacé par le Compte Personnel de Formation (CPF). Il s’adresse à tous les salariés du secteur privé ou agricole et les demandeurs d’emploi à partir de 16 ans (15 ans pour les contrats d’apprentissage), mais à la différence du DIF, se conserve tout au long de la carrière (que le titulaire soit en poste ou non).
Un salarié à temps plein accumulera 24 heures par an à temps plein pendant 5 ans puis 12h pendant 2 ans et demi, le tout plafonné à 150 h. L’employeur ou l’OPCA pourra également abonder en heures supplémentaires.
A noter : toutes les formations ne seront pas éligibles au CPF. Dans ce cas, d’autres dispositifs seront mobilisables.
Un entretien obligatoire
Désormais, tous les deux ans, l’employeur devra proposer au salarié un entretien obligatoire, permettant de faire le point sur son évolution de carrière, et la formation pouvant y contribuer. Un récapitulatif sera fait tous les 6 ans. En cas de contrôle, l’employeur devra justifier que, durant la période, le salarié a suivi au moins une formation ou bénéficié d’une augmentation de salaire ou d’évolution de poste.
En cas de manquement à ces obligations, l’employeur pourra être sanctionné (en étant contraint à abonder le CPF d’heures supplémentaires par exemple).
Conseillers en évolution professionnelle
Des opérateurs chargés du conseil en évolution professionnelle ont également été prévus pour informer, orienter, accompagner, et conseiller les salariés dans leur parcours.
Côté employeur, des cotisations revues à la baisse
Les entreprises de plus de 10 salariés voient leurs cotisations diminuer : la contribution annuelle sera désormais de 1% de la masse salariale (elle pouvait aller jusqu’à 1,60 % pour des entreprises de 20 salariés et plus).
Pas de changement en revanche pour les entreprises de moins de 10 salariés : les cotisations restent de 0,55% de la masse salariale par an.
Esprit de la réforme, es-tu là ?
Comme à chaque réforme, on trouve du bon et du mauvais, des choses à saluer et d’autres à regretter. Sur le fond, quelques éléments retiennent mon attention :
- La formation devra désormais être considérée comme un investissement puisqu’on passe (pour les entreprises de plus de 10 salariés au moins) d’une obligation de payer à une obligation d’investir. Dont acte, et tant mieux si c’est bien le scénario qui se déroule. Reste à voir à l’épreuve des faits si les entreprises jouent le jeu, et si les sanctions sont effectives (à l’heure où j’écris cet article, on trouve peu d’informations sur les moyens mis à disposition par l’État sur cette question…).
- Les organismes de formation vont devoir innover en matière d’outils et de pratiques pédagogiques ; de nouvelles formes mixtes basées sur du présentiel, du virtuel, des nouvelles technologies sont enfin reconnues voire encouragées. La qualité devrait donc devenir un critère un peu plus différenciant parmi la myriade d’organismes de formation, et c’est tant mieux.
- Le salarié devient acteur de son parcours de formation, tout au long de sa carrière et y compris dans les périodes de chômage : avec son compte CPF tout au long de la vie, il pourra désormais comprendre et gérer ses droits, trouver des formations, faire ses demandes…Mouais... Encore faut-il qu’il en ait les moyens !
Et là, je me fends d'un petit coup de gueule.
Combien de salariés sont réellement informés à ce jour ? Comment vont faire les personnes peu à l’aise avec l’informatique ou plus globalement avec l’écrit et les formalités administratives ? J’ai lu ici ou là que les RH seraient fortement responsabilisées… OK, quand il y a un service RH ! Bon nombre de TPE n’en ont pas, et une fois de plus, le risque est grand que les formations profitent surtout aux salariés des grandes entreprises ou aux plus "dégourdis", beaucoup moins aux populations plus fragiles.
D’ailleurs, avant d’écrire cet article, j’ai fait le test et ouvert mon compte CPF : pour cela j’ai eu besoin d’une adresse e-mail, du code APE de mon entreprise (qui ne marchait pas car il fallait savoir l’écrire selon la même norme que le site soit 73.11Z et non 7311Z), et enfin il a fallu que je m’y reprenne à 3 fois pour trouver un mot de passe validé par le site. Un mail de confirmation m’a été envoyé, mais petit hic : le lien sur lequel je devais cliquer pour confirmer mon inscription… n’était pas cliquable (j’ai donc fait un copié-collé, compétence acquise dans mon cas).
Une fois mon compte créé, j’ai fouillé un peu mon nouvel espace. Je ne l’ai pas trouvé très intuitif. Et finalement j’ai découvert que mon crédit CPF ne serait valable qu’en mars 2016. Tout ça pour ça !
Pas étonnant, dans ces conditions, que les chiffres du CPF ne soient pas très bons en ce début d'année.
Bref, l’autonomisation au cœur de cette réforme risque de se heurter à des « détails » bien matériels ! A moins d'un gros effort dans les mois à venir de la part du gouvernement, des OPCA, de Pôle Emploi, etc... Bref, à suive !
En savoir plus :
- https://www.youtube.com/watch?v=ElvU2xYQO8s
- http://www.moncompteformation.gouv.fr/
- http://www.cpformation.com/formations-eligibles-cpf/
- http://dai.ly/x2h08vf